Chaque soir, sous les projecteurs, je me transforme. Je deviens cette actrice acclamée, vivant la tragédie de la vie, la mienne.
Le public applaudit, mais dans l’ombre de ces applaudissements, une douleur sourde persiste. Je suis seule, profondément seule.
Mes nuits sont souvent volées par des insomnies où mon esprit tourbillonne sans fin. Pour échapper à ce tumulte intérieur, je me plonge dans des documentaires aux causes nobles, des combats qui me consument.
Mon cœur s’attache à un homme que j’admire, mais qui, lui, reste indifférent à ma passion.
Et dans ce tourbillon émotionnel, je suis parfois sévère, bien trop sévère avec mes fils, poussant leur patience jusqu’à les harceler.
Je me justifie par mon histoire : une enfance brisée par les abus de mon oncle.
Cette excuse me sert de protection, légitimant ma souffrance, ma colère, mon malheur.
Je cultive la peur. Peur de l’avenir, peur de manquer, peur de ne pas être à la hauteur. Exercer un métier, ma passion, est mise en doute sur ma légitimité et mon perfectionnisme
Sur scène, je suis parfaite, la meilleure des artistes.
Le metteur en scène est ravi ; je sais faire naître les émotions, provoquer des frissons.
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Mais quand le rideau tombe, une voix intérieure me murmure : « Je ne veux plus jouer ce rôle. Cela ne met pas en valeur, j’ai honte et je culpabilise »
Je souhaite être différente, une autre mère, une autre femme.
Pourtant, le metteur en scène refuse de m’offrir un autre personnage. Après tout, pourquoi le ferait-il ? Je maîtrise ce rôle à la perfection.
Alors, je résiste. Je veux m’en détacher.
Mais plus je m’accroche à l’idée de le quitter, plus je m’y enfonce, moins je laisse la place à une nouvelle interprétation. Ma résistance renforce ce personnage que je rejette.
Prisonnière de ce rôle. Prisonnière d’une dualité entre la victime et le bourreau. Je résiste de toutes mes forces à lâcher prise. Mon attachement à ce personnage est puissant. Il me nourrit, il m’offre des émotions intenses, des sensations palpables.
Sur la scène de ma vie, je suis à la fois l’actrice, le public et le metteur en scène (mon mental).
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le rôle du metteur en scène est une autre forme de performance théâtrale, plus subtile encore, où le rôle principal est joué par mon mental. Ce mental, d’une puissance redoutable, orchestre des jeux de pouvoir pour maintenir mon personnage dans un statu quo.
Il nourrit une peur du changement et de la transformation, refusant obstinément de s’aventurer vers l’inconnu.
Le mental se joue de moi, avec des rêves et des espoirs parsemés de petites voix critiques et décourageantes.
Son but est clairement de m’empêcher de me transformer et de sortir de mon personnage
Pour se protéger de cette transformation, le mental me crée des fantasmes.
Parmi eux, l’illusion de la toute-puissance : croire que j’ai le pouvoir de blesser autrui ou de lui causer du tort. Pourtant, en réalité, je n’ai aucun contrôle sur les blessures des autres. Si quelqu’un est touché, c’est parce qu’il porte en lui des traumatismes ou des failles qui préexistent. Un autre fantasme consiste, au contraire à croire que l’autre détient le pouvoir de me détruire ou de me blesser. Mais là encore, cette croyance est erronée : personne ne peut créer mes blessures. Tout au plus, l’autre peut activer ou raviver celles qui sommeillent déjà en moi.
Dans le monde onirique, ces fantasmes prennent vie. Ils m’offrent des émotions et des sensations si intenses que je m’y attache, qu’il s’agisse d’un rêve enchanteur ou d’un cauchemar terrifiant. Je me laisse happer, convaincu par cette illusion, car elle fait vibrer mon être et frissonner tous mes sens.
Pour maintenir son emprise, le mental déploie différentes stratégies de pouvoir, jouant sur mes peurs et mon insécurité. Il peut se faire autoritaire, recourant à l’intimidation, ou préférer des approches plus insidieuses comme la manipulation, chantage et la culpabilité. Parfois, il devient charmeur, flattant mon égo, ou paternaliste, cherchant à me surprotéger. Ces dynamiques m’enferment dans un cycle toxique, où j’oscille entre les rôles de persécuteur, de victime et de sauveur, prisonnier du « triangle infernal ».
Pour amorcer une véritable transformation j’accueille ce mental. Non pas en le rejetant ou en le combattant, mais en lui offrant un espace, en l’acceptant pleinement, sans honte ni jugement. Dans une posture adulte, j’assume mes responsabilités sans tomber dans l’auto-accusation ou le rôle de victime. Je suis authentique avec moi-même, où je m’autorise à me regarder en face, sans me raconter d’histoires. En me respectant dans mon autonomie et ma liberté, je commence à me réconcilier avec mon être.
La clé réside dans cet acte d’honorer qui je suis aujourd’hui – mon corps, mon esprit, mon histoire. Pour me libérer des jeux de pouvoir orchestrés par mon mental, j’identifie ces mécanismes, je reconnais mes propres stratégies de défense et je les transcende. Cultiver une attention bienveillante, un amour sincère et une profonde empathie envers moi-même devient essentiel.
Je me connecter à mon coeur sans passer par mon mental. des ondes d’amour et de lumière m’emplisse et je laisse émettre cet amour comme un soleil qui émet chaleur et lumière à tous les êtres humain et non humain.
Alors, je souris à mon mental qui tente de me manipuler avec ses pensées, idées, sensations ou émotions. Il n’a plus prise sur moi et me permet d’accueillir totalement mon personnage laissant place ensuite à la transformation
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La transformation de la structure de mon mental entraine une transformation de mon personnage
Alors, un jour, je décide de m’arrêter de jouer.
Pas de scène, pas de public, pas de rôle. Rien. Juste le silence.
Je m’assieds face à moi-même, sans artifice, sans décor, sans personnage.
C’est effrayant.
Le vide m’enveloppe, et pour la première fois, je ressens pleinement cette douleur que j’ai toujours fuie.
Je la regarde, cette douleur. Je la laisse exister.
Elle est là, tapie au fond de moi, comme une vieille amie oubliée que je n’ai jamais osé accueillir.
Elle me murmure :
« Je ne suis pas là pour te détruire. Je suis là pour te libérer. »
Dans cette confrontation, la compréhension émerge. Ce rôle et cette armure étaient nécessaires pour ma survie. Mais ils m’étouffent maintenant. Ils ne me définissent plus.
Peu à peu, je commence à déposer ces masques, à relâcher ces armes. C’est douloureux, comme si chaque fragment de ce personnage s’arrachait de ma peau, révélant ma vulnérabilité. Mais dans cette fragilité, je trouve une vérité, une force nouvelle.
Je réalise que je ne suis pas ce rôle. Je suis bien plus que ma souffrance, ma culpabilité, ma honte, ni même mes regrets. .
Je suis bien plus que tout cela.
Alors, j’écris un nouveau chapitre. Pas un rôle parfait, mais celui d’une femme qui apprend, qui trébuche, qui se relève. Une femme imparfaite, mais authentique.
Avec moi-même, j’apprends à être indulgente.
Chaque pas est hésitant, mais chaque pas est vrai.
Et ce metteur en scène en moi, mon mental, celui qui me poussait à rejouer sans fin le même scénario, je l’écoute autrement.
Je ne le combats plus.
Je le remercie de m’avoir permis de tenir si longtemps.
Mais aujourd’hui, je lui dis : « Je veux réécrire la pièce avec toi, pas contre toi. »
Et c’est là que tout change.
Ce n’est pas un basculement spectaculaire, mais un mouvement subtil.
Comme un rideau qui s’ouvre doucement sur une lumière nouvelle.
Une lumière qui éclaire mes ombres sans les effacer.
Ce n’est pas parfait, mais c’est réel.
Et c’est tout ce que je demande.
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